Cela ne surprendra personne si je vous dis que je suis un défenseur de la décroissance et de la durabilité, et tant pis si le néologisme n’est pas très élégant, le terme me semble approprié. Je m’étais promis depuis longtemps d’écrire un article sur ce sujet pour expliquer de façon synthétique et simple de quoi il s’agit et pourquoi je défends ce mouvement et partage son analyse. Le voici. J’ai aussi promis d’essayer de répondre à la question qui m’est souvent posée : c’est bien joli ton point de vue, mais que changer ? comment ? Ce sera la suite logique à ce premier billet sur ce thème.

Donc nous avons dit décroissance …. les mouvements dit des « décroissants » naîssent dans la deuxième partie du 20 ème siècle, entre la fin de la deuxième guerre mondiale et la sortie des 30 glorieuses. Il est animé par des sociologues et des économistes relayés par d’autres personnalités remarquables, comme Pierre Rabhi ou Toby Hemenway. La reflexion part tout d’abord du constat – qui n’était à l’époque pas largement admis – que les ressources non renouvelables de la planète étaient par définition limitées et que prétendre que l’on pourrait croître à l’infini, c’est à dire continuer à consommer toujours plus et sans fin ces ressources était une utopie.

Le deuxième déclencheur, ce sont les inégalités sociales qui augmentent avec la croissance, ce qu’étayent de très sérieuses études (11). Le progrès social, ou plutôt le mieux être, qui avait accompagné le progrès technique au milieu du XX ème siècle est en panne (1).
Croissance croissance croissance…
Le discours largement dominant de la classe politique et des économistes « officiels » reste tourné exclusivement autour de la nécessité de croissance, de plus de croissance, qui est la condition de survie du modèle économique actuel, son carburant on peut presque dire (2). Par opposition, le mouvement des décroissants est avant tout un mouvement anti-croissance qui propose de réduire au plus vite notre pression sur l’environnement (on parlera de diminuer notre empreinte écologique) afin de permettre aux générations qui nous suivront de vivre dans des conditions au moins aussi bonnes que les nôtres, et pourquoi pas meilleures et en tout cas avec moins d’inégalités et plus de dignité. C’est aussi et surtout le slogan de ceux qui veulent agir et pensent que la cause n’est pas perdue.

Note : pic de production de pétrole (ref Wikipedia)
Où en est-on en 2014 ? Nous avons passé récemment le cap des maximum de production (et donc de consommation) de très nombreuses matières premières dont la plus visible est certainement le pétrole, mais ceci est vrai pour d’autres produits qui nous semblent indispensables aujourd’hui : certaines matières de base comme les engrais, les terres rares utilisées pour construire les ordinateurs, écrans, la plupart des métaux rares nécessaires pour la fabrication de batteries de composants électroniques etc etc. Indépendamment de la consommation faite de ces matières, leur quantité est limitée (nous n’avons qu’une planète) et ne sont pas renouvelables. (Le recyclage concerne peu ces produits rares). Se rajoute à ce phénomène la contrainte de pollution : bien qu’il reste assez de charbon pour un autre siècle et demi à la cadence actuelle (c’est à dire en arrêtant la croissance) il ne sera plus possible de l’utiliser massivement dans quelques décennies car la pollution générée va poser des problèmes de santé insurmontables (CO2, poussières …) qui toucheraient toutes les populations du nord ou du sud, riches comme pauvres.
N’oublions pas non plus l’eau douce, qui, bien que renouvelable, est progressivement rendue non potable par nos activités industrielles et agricoles.
L’agriculture et toute la civilisation actuelle étant tributaire de l’énergie fossile, de l’eau et autres matières en cours de disparition nous sommes donc bien dans une impasse.
Ce constat a été fait il y a maintenant plus de 30 ans. La mauvaise nouvelle est que les prévisions de fin de ces ressources s’affinent et convergent vers des dates bien plus proches que nous ne le pensions il y a seulement 10 ans (11) : 2050 pour le pétrole, 2040 pour l’uranium etc…. Cela signifie qu’avec l’espérance de vie actuelle, même les quinquagénaires d’aujourd’hui se trouveront confrontés aux effets de la pénurie à venir. Quant à leurs enfants, ils vont passer leur vie d’adulte dans ce contexte !
Et même les stratégies « après moi le déluge » ont du plomb dans l’aile !

Note : Cette courbe montre l’évolution du nombre d’équivalent-terres consommé par l’homme, c’est à dire que nous consommons pour l’instant 1,2 terres ….. en d’autres termes que les « 0,2 » de trop sont des « dettes » vis à vis de notre environnement.
Par ailleurs, la population des terriens croît à une telle vitesse (10 milliards d’individus à l’horizon 2050 soit dans à peine plus de 30 ans ! ) (6) qu’elle va croiser rapidement la courbe descendante des surfaces agricoles grignotées par l’expansion des habitations, de l’industrie, des commerces et des routes et rendues stériles par le changement climatique et les pratiques agricoles actuelles. Il sera donc impossible dans ce contexte de nourrir une telle population, du moins sur la base du train de vie actuel de la minorité riche [occidentale], si rien ne change en tout cas.
Il n’y a donc pas de futur possible pour une humanité inscrite dans un cycle de croissance infinie, qu’il s’agisse de la croissance du nombre de « locaterre » ou de l’augmentation de la consommation de chacun d’entre eux. Toby Hemenway intitule une de ses conférences « Comment la permaculture peut sauver l’Humanité et la Terre, mais pas la civilisation » (5) : tout est dit ! C’est pour proposer une alternative face à cette impasse qu’est né le mouvement des décroissants (4) et quelques autres de part le monde.
Les mouvements décroissants
L’agriculture a une part importante à jouer dans les solutions au problème que pose la croissance. C’est donc sans surprise que l’on retrouve parmi ces mouvements des projets inspirés par de nouvelles pratiques agricoles. La plupart de ces mouvements ont également des composantes culturelles, sociales et sociétales, quelquefois politiques. Pour en citer quelques-uns :
- le mouvement « permaculture » (d’origine Australienne)
- Masanobu Fukuoka (Japon)
- Buen Vivir (Ande, Amerique du sud)
- les décroissants (France)
Et si on ne faisait rien ?
Que se passerait-il si nous ne faisions rien ?
Les scénarios envisagés par les scientifiques, les sociologues et les intellectuels qui partagent le point de vue des décroissants ne sont pas réjouissants : les guerres y sont en bonne place, voir Jacques Attali (1), Serge Latouche (12), Paul Aries (10), etc.
Que faire ?
Comme le colibri de Pierre Rabhi (9), chacun peut apporter sa contribution, même si l’immensité de la tâche peut effrayer, et je reviendrai très prochainement sur ce thème. Pour l’essentiel il nous faut tous œuvrer pour fuir le productivisme et le consumérisme, la mission est difficile, d’où mon mot d’ordre :
Courage ! Fuyons !
… ce modèle qui nous mène à une impasse.
À bientôt sur le même sujet.
Egavar
Les exemples et expériences concrètes :
Le village de Marinaleda en Andalousie : http://www.liberation.fr/monde/2014/02/17/marinaleda-le-cuba-andalou_980841
L’école et le village de Sophie Rabhi
http://www.la-ferme-des-enfants.com/voir_aussi_ecole_bibliographie.html
Pierre Rabhi, agroécologie :
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Pierre_Rabhi
Habitat participatif, groupé :
Renvois ————————–
(1) Voir l’interview de Jacques Attali dans le dépliant CLES spécial progrès publié avec le soutien d’EDF
(2) « sans lendemain » https://www.youtube.com/watch?v=a0J2gj80EVI&desktop_uri=%2Fwatch%3Fv%3Da0J2gj80EVI&app=desktop&feature=share_email
(3) http://www.legrandsoir.info/le-concept-andin-de-buen-vivir-et-l-ecosocialisme.html
(4) http://www.decroissant.org
(5) http://www.youtube.com/watch?v=8nLKHYHmPbo
(6) http://www.planetoscope.com/natalite/5-croissance-de-la-population-mondiale-sur-terre-naissances—deces-.html
(7) http://mktg.factosoft.com/consoglobe/image-upload/img/evolution-population-mondiale.JPG)
(8) wikipedia : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9croissance_(%C3%A9conomie)
(9) https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Pierre_Rabhi
(10) Paul Aries, La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance, La decouverte, 2011
(11) Le rapport du Club de Rome (1972) « mise à jour des 30 ans » (désolé, en anglais) http://www.donellameadows.org/archives/a-synopsis-limits-to-growth-the-30-year-update/
(12) Yves Cochet, Jean-Pierre Dupuy, Susan George, Serge Latouche, Où va le monde ? 2012-2022 d une décennie au devant des catastrophes.